Bien communiquer : Utiliser ses ressentis

C’est le bon moment pour aborder le pouvoir de la communication. Il n’y a rien de mieux que cette période où vous passez toutes vos journées confinés avec d’autres personnes pour aborder ce thème non? Vous voyez où je veux en venir?  

J’ai entendu à plusieurs reprises que cette période « testait » leur couple, mais aussi les relations amicales et familiales. L’isolement et le planning allégé de chacun fait ressortir plusieurs questionnement qui mettent en jeu nos relations « Mes amis prennent-ils suffisamment de mes nouvelles? » « Suis-je aussi importante à ses yeux que cette personne l’est pour moi? » « Mais pourtant elle a le temps, elle ne travaille pas et ne m’appelle jamais…». Cette situation met en évidence les attentes que nous avons envers les autres. 

Selon notre manière de communiquer, cela peut laisser place à des situations désagréables, voire des conflits. Il y a de nombreux points positifs à ce confinement (je vous invite d’ailleurs à en faire une liste!), mais il peut aussi mettre en lumière d’autres problématiques. La promiscuité, l’isolement social et les changements auxquels nous devons chacun nous adapter, participent aussi à faire monter la mayonnaise ! Il est alors facile d’imaginer le poids de nos émotions exacerbées dans ces situations, et à quel point cela peut être toxique pour nos relations. 

Communiquer signifie « établir des relations avec quelqu’un ». Il est donc d’abord nécessaire, pour qu’une communication soit établie, qu’il y ait un émetteur ou destinateur et un récepteur ou destinataire, et qu’un message soit délivré du premier vers le second.

On parle donc d’échange. La communication c’est participer à un échange. Mais de quelle manière? Qu’est ce que je partage lorsque je communique ? 

Lorsque nous rencontrons des problématiques relationnelles on peut avoir tendance à tenir ce genre de propos « il ne me comprend pas », « elle ne m’écoute pas », « il est égoïste », « elle a trop de préjugés ». Les émotions qui découlent de ce type de pensées (qui sont des jugements) ne font que renforcer cette incompréhension et une attitude d’opposition dans la relation. 

Nous communiquons généralement de manière à ne pas dévoiler ce que nous ressentons. Si la file d’attente est trop longue au magasin c’est que le caissier ou le client est « trop lent ». Si on me demande de m’occuper d’un dossier dont je n’ai pas envie de m’occuper c’est parce que mon chef ne m’aime pas. Si mon chéri me demande plus de tendresse c’est parce qu’il est « trop exigent ou capricieux », mais lorsque c’est moi qui ai besoin d’affection il devint alors « distant et insensible »… La liste d’exemples est longue! 

Notre attention se focalise sur les torts que nous attribuons à l’autre ou à nous même en utilisant notre force de jugement. C’est la meilleure manière d’attiser les tensions mais aussi de provoquer chez l’autre une réponse dont le moteur n’est pas louable. Se conformer par crainte ou par honte ne fait que nourrir rancoeur et mauvaise estime de soi. Marshall Rosenberg, fondateur de la communication non violente, écrit (1) qu’à chaque fois « qu’une personne nous associe à l’un de ces sentiments, il est peu probable qu’à l’avenir elle puisse répondre du fond du coeur à nos besoins et valeurs ». 

Bien communiquer cela peut s’apprendre

Une autre problématique mise en avant par Rosenberg, qui me semble être fondamentale est la responsabilité.

Utiliser un certain langage nous permet de nier la responsabilité de nos pensées, de nos ressentis ou de nos actes. Il met par exemple en avant les expressions comme « tu me » (tu me culpabilises) ou « il faut » (il faut que tu ranges tes affaires). Ce sont d’ailleurs des expressions qui sont utilisées par certaines techniques manageriales pour déresponsabiliser les personnes de leurs actes: « Il faut exécuter la prescription », « c’est le système qui veut ça ». Selon notre éducation et notre histoire nous pouvons être très marqué par ces « il faut »: «  je n’aime pas me maquiller mais il faut que je le fasse je ne vais quand même pas aller travailler comme ça! »  « cela me prend beaucoup de temps sur mon temps libre mais je dois m’assurer que mon intérieur soit bien ordonné, cela fait partie des choses que l’on doit faire ». 

On peut aussi se déresponsabiliser de ses actes en utilisant un langage qui les attributs à leur cause. Je me rappelle d’une des nombreuses anecdotes du médecin qui m’a formé à l’hypnose (Dr Jean-Claude Espinosa). Il nous racontait avec éloquence comme à son habitude, comment il avait accompagné en thérapie un couple dont le mari buvait. La problématique énoncée était la suivante: « je bois parce que je suis alcoolique », et la femme d’ajouter: « mon mari n’est jamais à la maison, il passe son temps au bar car il est alcoolique ». Le médecin à alors reformulé en redéfinissant la problématique « vous auriez besoin que votre mari soit plus souvent à vos côtés à la maison et passe du temps avec les enfants ? », « vous allez passer du temps au bar pour ne pas rester à la maison? » . En reformulant de cette manière le problème n’est plus tout à fait le même! 

Marshal Rosenberg qualifie les « je dois » et les « il faut » comme participant à « adopter des jugements moralisateurs qui mettent l’accent sur les fautes et les torts ». Et de rajouter « Lorsque nous sommes reliés à nos sentiments et nos besoins, nous, les êtres humains, nous ne constituons plus des sujets dociles et soumis ». 

Bien sur, lorsque nous communiquons de cette manière, nous n’avons pas conscience de l’impact négatif que cela peut avoir. Nous pouvons choisir de communiquer autrement, en faveur d’une relation saine, pour nous même et pour les autres. 

Pour initier cela, le premier travail est d’identifier et de nous relier à ce que nous ressentons. Faire le constat de ce qui nous anime en ce moment, nos ressentis, nos émotions, en nous situant en tant qu’observateur. 

Marshall Rosenberg a élaboré et partagé un outil incroyable: la communication non violente (CNV)

Qui était Rosenberg?

C’est un psychothérapeute psychanalyste américain, il est décédé en 2015.

Qu’est ce que la CNV?

C’est un outil qui nous permet de nous détacher de nos conditionnements en matière de communication: jugements, exigences, pensées binaires (ce qui est bon ou mauvais)…Ces conditionnements peuvent nous mener à une mauvaise compréhension des autres ou générer colère, frustration, violence. 

La CNV nous engage à reconsidérer la façon dont nous nous exprimons et dont nous entendons l’autre. Les mots ne sont plus des réactions routinières et automatiques, mais deviennent des réponses réfléchies, émanant d’une prise de conscience de nos perceptions, de nos émotions et de nos désirs. 

Nous nous exprimons sincèrement et clairement, en portant sur l’autre un regard empreint de respect et d’empathie. Dans tout échange nous sommes à l’écoute de nos besoins les plus profonds et ceux de l’autre. La CNV aiguise notre sens de l’observation et nous incite à identifier les comportements et les situations qui nous touchent. 

Nous apprenons aussi à définir et à formuler clairement ce que nous souhaitons dans une situation donnée. 

Pour élémentaire qu’elle paraisse, cette démarche est un puissant moyen de transformation. 

Quel est la démarche? 

1. L’OBSERVATION 

  • Observer ce qu’il se passe réellement dans une situation donnée, sans y mêler de jugement ou d’évaluation. Décrire les faits. 
  • J’observe un comportement concret qui affecte mon bien-être. 
  • Il est essentiel de différencier observation et évaluation.

2. LES SENTIMENTS 

  • Nous exprimons ce que nous ressentons en présence de ces faits: triste, joyeux, inquiet, amusé, fâché?… 
  • Je réagis au comportement qui m’affecte par une sentiment. J’utilise le « Je » (Je suis exaspéré).
  • Assumer la responsabilité de ses sentiments. 

3. LES BESOINS 

  • Préciser les besoins à l’origine de ces sentiments. 
  • Je cerne les désirs, besoins ou valeurs qui ont éveillé ce sentiment. 
  • Les jugements portés sur autrui sont des expressions détournées de nos propres besoins insatisfaits. 

« Tu ne me comprends jamais » dit en réalité que le besoin d’être compris n’est pas satisfait « je me sens incompris ». 

  • Par exemple, nous aurions tendance à qualifier nos collègues d’incompétence lorsque leurs méthodes de travail ne correspondent pas à ce que nous attendons. 

4. EFFECTUER UNE DEMANDE 

  • Je demande à l’autre des actions concrètes qui contribuent à mon bien-être. 
  • Utiliser un langage d’action positif: disons ce que nous voulons plutôt que ce nous ne voulons pas.

« Ne me parlez pas comme cela » → « J’ai besoin que vous vous adressiez à moi avec plus de calme ». 

Les demandes à la négative perdent l’interlocuteur, il ne sait pas ce qui est demandé, et cela augmente la résistance. 

A l’aide de la sophrologie et de l’hypnose, les ressentis nous apparaissent plus clairement. Il est très désagréable et difficile, surtout en situation de tension ou de crise de faire le tri et d’y voir clair dans nos émotions. Ces outils d’accompagnement agissent un peu comme si vous décidiez de faire le ménage dans vos pensées, et de bien remettre chaque chose à leur bonne place. Cela crée plus d’espace, et vous permet de vous recentrer sur l’essentiel. Parler de soi, verbaliser nos ressentis n’est pas chose aisée alors n’hésitez pas à vous faire accompagner si vous rencontrez ce type de problématique. Faire le ménage ça à l’air simple, encore faut-il savoir comment s’y prendre! 

Communiquer sainement c’est d’abord se tourner vers soi en cherchant à reconnaître nos besoins insatisfaits, et les partager. N’oubliez pas que les autres ne sont pas dans votre tête!

Je vous conseille évidemment de lire « les mots sont des fenêtres (sinon ce sont des murs) » qu’à écrit M.Rosenberg. C’est un ouvrage facile à lire qui développe cet outil. 

Vous trouverez aussi partout en France des formations à la communication non violente. Elles s’adressent à tous, même si vous n’êtes pas professionnel de l’accompagnement. 

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